A lire absolument : la biographie des victimes de Jack l’Eventreur

par Ophélie
Publié le Edité le 6 commentaires
A lire absolument : la biographie des victimes de Jack l'Eventreur

Encore aujourd’hui, le mystère qui entoure l’identité de Jack l’Eventreur a un effet indécent sur le public – celui de réduire ses cinq victimes présumées au rang de prostituées. Si vous demandez autour de vous, vous verrez que c’est ce que les gens retiennent. Jack l’Eventreur assassinait des femmes de petite vertue, dans le quartier londonien de Whitechapel à la fin du XIXe siècle. Triste constat que celui-ci. A l’occasion de l’International Women’s Day, j’ai donc décidé de vous parler d’une oeuvre bibliographique que j’ai énormément appréciée : The Five: The Untold Lives of the Women Killed by Jack the Ripper, de Hallie Rubenhold.

Le nom des victimes ? Ils semblent avoir collectivement été oubliés. Ceux qui ont vu From Hell ou joué à la version Jack l’Eventreur du jeu Sherlock Conseil Détective s’en souviendront peut-être, mais rien n’est moins sûr. Dans son ouvrage, The Five: The Untold Lives of the Women Killed by Jack the Ripper (2019), Hallie Rubenhold tisse les fils de la vie des cinq femmes sauvagement assassinées par Jack l’Eventreur : Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly. Clairement, ce récit manquait parmi les ouvrages historiques.

Les amateurs de détails sanglants seront bien déçus : Hallie Rubenhold, historienne sociale et auteure de l’ouvrage, ne parle pas de leur mort ou de ce qu’il s’est passé après. Non, ce récit se concentre sur les cinq femmes et rien d’autres. Jack l’Eventreur y est mentionné, bien évidemment, mais il est tellement secondaire qu’on l’oublierait presque. Ce qui, à mes yeux, justifie amplement une lecture. 

The Five: The Untold Lives of the Women Killed by Jack the Ripper

par Hallie Rubenhold aux éditions Doubleday (2019).

L’histoire de cinq femmes oubliées

La monté de la disparité entre les classes sociales en Angleterre pendant le règne de la reine Victoria (1837-1901) – c’est comme ça que l’auteure débute le récit poignant de la vie de ces cinq femmes. Chacun d’entre eux présente une facette incroyable, un insight important sur la vie des classes modestes à l’époque.

Le dénominateur commun entre ces cinq femmes, ce n’est pas la prostitution – dont aucune preuve ne subsiste pour trois d’entre elles. C’est plutôt la descente aux enfers qui les a conduites dans le quartier misérable de Whitechapel et leur fin tragique. Mais avant d’être sauvagement assassinées, ces femmes ont eu une vie. C’est cette vie passée aux oubliettes que l’auteure nous présente dans cette biographie déchirante.

Ces femmes ont vécu une vie relativement similaire : elles ont rapidement quitté l’enfance pour entre dans le monde de la maternité, ont connu la dépendance à l’alcool et à différentes figures masculines, ce qui, d’une manière ou d’une autre, les a menées à la pauvreté et dans la rue.

★ Le récit de Mary Ann Nichols est celui d’une vie maritale bien partie, suivie d’une dégringolade aux enfers après la tromperie de son mari.

★ Celui d’Annie Chapman est le récit d’une jeune femme née dans une famille modeste, mais qui aurait pu s’en sortir sans la dépendance à l’alcool et aux ravages que ça a provoqué. 

★ Le récit d’Elizabeth Stride est celui d’une immigrée suédoise, victime de la syphilis, qui a du s’inventer une vie complètement fictive pour s’en sortir à grand-peine.

★ L’histoire de Catherine Eddowes nous présente une femme lettrée, qui s’est enfui de Wolverhampton à Londres, où elle a suivi la mauvaise personne.

★ Et enfin, le récit de Mary Ann Kelly est celui d’une jeune Galloise, échouée dans les bordels de Londres.

Ce que je retiens de cette lecture

(1) A l’époque, les différences entre les classes sociales étaient très importantes et avaient beaucoup de conséquences sur le quotidien des populations. Néanmoins, un bon départ n’était pas synonyme de fin adéquate.

(2) Il ne suffisait pas d’être née (j’insiste sur le féminin) dans de bonnes conditions pour s’en sortir. Le moindre problème (perte d’emploi, addiction, etc.) pouvait faire basculer des familles entières dans la pauvreté et la mendiance. Ça a notamment été le cas pour Annie Chapman, qui aurait pu s’en sortir si un mauvais concours de circonstances ne s’était pas mis en travers de son chemin.

(3) Les workhouses, c’était l’enfer. Il s’agissait d’institutions gouvernementales qui offraient un toit et un emploi à celles et ceux qui ne pouvaient subvenir à leurs propres besoins. Si en théorie, c’était une bonne idée, en pratique, c’était juste l’horreur (en Ecosse, ces workhouses s’appelaient d’ailleurs des poorhouses). Les résidents n’étaient pas libres de faire ce qu’ils voulaient et étaient soumis à des règles très strictes.

(4) Les moeurs de l’époque étaient vraiment spéciales et sans grande surprise, le rôle des femmes dans la société était loin d’être idyllique. Passés 25 ans, si elles n’étaient pas mariées et n’avaient pas d’enfants, elles étaient vues comme des anormalités au sein de la société. Chaque femme devait s’assurer la protection d’une figure mâle, de préférence un mari, mais un père ou un frère au minimum était requis.

J’ai adoré me plonger dans la vie et le quotidien de ces cinq femmes et d’en apprendre davantage sur celles qui ont été filles, femmes, mères ou encore soeurs.

Un travail de recherche bien tardif

L’éducation, la vie de famille, les convenances sociales ou même le secteur de l’emploi – Hallie Rubenhold dresse un portrait réaliste (et vraiment pas beau) de Londres à l’époque victorienne. Elle n’a rien inventé de l’histoire de ces femmes. Elle s’est plongée dans les ressources éparses qu’elle a pu trouver : rapports de médecins légistes (dont trois manquaient à l’appel), des certificats de naissance, de mariage et de mort, des recensements, des articles de journaux (bien entendus embellis, mal ou réinterprétés), des listes de paroisses ou encore des archives sur les workhouses londoniennes. 

Bien sûr, toutes ces sources sont à prendre avec des pincettes. Plus d’un siècle après les meurtres de 1888, on se doute bien que certaines d’entre elles sont incomplètes ou même totalement erronées. Néanmoins, le travail de Rubenhold reste incroyable et son livre est complet, dans la mesure du possible.

Ce livre n’est pas seulement un hommage à Mary Ann Nichols, à Annie Chapman, à Elizabeth Stride, à Catherine Eddowes et à Mary Jane Kelly. C’est également, et surtout, un livre écrit pour elles. Pour leur donner un sens, pour donner un sens à leur vie, bien plus qu’à leur mort. Je crois que c’est ce qui fait que cette lecture est essentielle.

Note : Malheureusement, il n’existe pas encore de traduction française de ce livre. La lecture n’est pas forcément accessible à tous, car les mots employés sont relativement spécifiques. J’essayerai de vous notifier quand cela aura changé. Vous pouvez néanmoins l’acheter en version originale via ce lien (affilié).

✏️ Tenté par cette biographie ?

Si vous avez d’autres ouvrages de ce genre à me conseiller, je suis preneuse !

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6 commentaires

Alex 2 avril 2020 - 13:57

Pareil que les autres commentaires, j’attendrais la sortie en FR. Je te l’avais déjà dis sur Instagram mais ça a l’air d’être une lecture vraiment intéressante! En attendant si je trouve une version kindle abordable en anglais, je me laisserais bien tenter 😀 En tout cas j’aime beaucoup tes petits articles lecture, surtout avec l’encart « ce que j’ai retenu de ce livre », c’est vraiment génial!

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Ophélie G. 2 avril 2020 - 14:00

J’espère sincèrement qu’il va sortir en français, tout le monde devrait pouvoir lire cet ouvrage ! Il me semble qu’il est encore assez cher en version Kindle (du moins, je trouve ça cher pour une version numérique). Je suis contente que ça te plaise, parce que je compte ramener les livres un peu plus régulièrement sur le tapis. 😀 xx

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Emmy 22 mars 2020 - 21:59

Ohlala ça m’a trop donné envie de le lire merci pour la découverte s’il sort en français je le lirai !

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Ophélie G. 23 mars 2020 - 12:19

Pas de quoi ! J’espère qu’il va sortir en français et que tu l’aimeras ! xx

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Mariion2404 11 mars 2020 - 13:44

Je suis intéressée par cette lecture mais j’attendrai la version française. Même si je parle anglais et le lis aussi bien, je veux pouvoir profiter de ma lecture pour en savoir plus sur la vie de ces femmes 🙂

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Ophélie G. 11 mars 2020 - 19:46

Je pense que c’est le genre d’ouvrage qui se lit aussi bien en VO qu’en version traduite. 🙂 J’espère que tu l’apprécieras ! xx

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À PROPOS

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Ophélie

Buveuse de café quasi professionnelle et collectionneuse d'images, je vis au Royaume-Uni depuis 2014.

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